jeudi 21 février 2013

Parlons (petite) monnaie

Parlons (petite) monnaie

"Il n'y a pas de petits profits, il n'y a que du profit"




Il y a deux semaines, la population du Québec et du Canada dans son entier s'en est fait passer une "p'tite vite" sans broncher et dans l'indifférence apparemment générale par le gouvernement canadien, et je fais référence ici au récent retrait de la pièce de monnaie de 1¢ de la circulation, sous prétexte que "ça coûte trop cher à produire" et que ce n'est pas pratique à transporter relativement à leur faible valeur monétaire, deux arguments fallacieux que je vais démolir en pièces en démontrant plutôt qu'il s'agit là, au contraire, d'un vol camouflé effectué par petits montants (1 ou 2¢ par transaction) mais qui se traduiront pour les commerçants en de substantiels bénéfices sous l'effet cumulé du nombre de transaction et par l'effet du temps.

Je veux souligner comme base de réflexion pour ce présent article le travail récent de M. Jean-Jacques Nantel concernant son analyse historique relativement aux "petits profits" de la population francophone qui ont été détournés au bénéfice de la minorité anglophone dominante suite à la conquête de 1763 et qui persiste depuis.  M. Nantel en arrive à la conclusion vérifiable et vérifiée, à travers son exposé, que le détournement cumulatif à la fois sur le nombre et sur la durée du temps de ce qui n'était au départ qu'un "petit profit" fait en sorte qu'au final, les sommes d'argents ainsi détournées de leurs propriétaires légitimes se transforment en montants colossaux auxquels le concept de "petit" ne peut désormais plus s'appliquer.  C'est ce que signifie l'adage anglo-saxon selon lequel "il n'y a pas de petits profits, il n'y a que du profit".

Pour avoir été sur place à l'époque de l'adoption de la monnaie unique en Europe (j'étais alors en France), je me rappelle que suite au passage officiel à l'Euro, les médias ont fait mention de nombreux secteurs de l'économie où l'on avait pu constater une augmentation significative des prix (de l'ordre de 3% à 15%) entre les précédents prix exprimés en Francs français et le prix qui aurait normalement dû correspondre en Euros en appliquant le taux de change officiel qui était de 6,55957FF pour 1€, ce qui a fait dire à plusieurs, avec raison d'ailleurs, que l'occasion du passage à la monnaie unique a été l'occasion pour plusieurs commerçants de se faire des profits supplémentaires sur le dos des consommateurs en introduisant des hausses de prix qu'ils ont espérés "indétectables" au calcul mental lorsque l'on applique la conversion des prix afin de déterminer la valeur réelle d'un service ou d'un objet en référence avec l'ancienne monnaie.  Si on se rappelle, à l'époque et dans les années précédentes, un touriste d'origine canadienne avait l'habitude de diviser le prix exprimé en Francs par 5 afin de se donner une idée grossière de ce prix exprimé en dollars canadiens.  Cette division par 5 ne constituait pas à la véritable valeur de conversion, mais donnait quand même une assez bonne idée du prix réel d'un objet ou d'un service exprimé dans une devise monétaire avec laquelle nous sommes familiers.  On peut constater que le ratio de conversion Franc-Euro n'est pas aussi aisé à calculer mentalement que le chiffre pratiquement "rond" de 5, avec un ratio de conversion "d'environ" 6.56.  C'est dans cette "approximation des prix" effectués lors de la conversion mentale des prix que les commerçants ont décidés de cacher leurs hausses de prix, faisant le pari que celles-ci passeraient inaperçues.  Cependant, lorsque la vérification a été faite calculatrice à la main, ces hausses sont apparues de manière évidente, causant une montée aux barricades des groupes de défense des droits des consommateurs.

Dans le cas qui nous concerne ici, c'est-à-dire la disparition de la pièce de 1¢, les hausses de prix ne devraient pas être aussi significatives que dans l'exemple précédent, mais demeurent tout de même réelles et représente un infime mais constant manque à gagner pour tous les consommateurs et ce au profit direct des commerçants.  Comme on le sait, bien que la "cenne noire" demeure toujours en vigueur dans le monde de la monnaie scripturale et virtuelle, l'abolition de celle-ci dans l'économie réelle se traduit dans son implantation à un simple "arrondissement" à la caisse vers l'unité de 5¢ la plus proche, les transactions ainsi arrondies étant supposées s'équilibrer "naturellement" entre le profit du consommateur et celui du commerçant, se traduisant ainsi selon la théorie vaseuse véhiculée pas les médias que le cout de cet arrondissement des prix devrait être nul pour les consommateurs.

Cependant, et surtout au vu de l'expérience européenne évoquée plus haut, et sachant également qu'il est facile pour un commerçant de savoir à l'avance quel sera le prix final d'un item une fois les taxes de ventes appliquées, on peut facilement concevoir que plusieurs seront sûrement tentés d'augmenter de 1¢ ou 2 le prix des articles qui ne s'arrondissent pas "naturellement" vers le haut afin qu'ils le fassent dorénavant, tout en laissant intouchés le prix des articles qui s'arrondissent déjà "naturellement" vers le haut, l'arrondissement vers le haut représentant déjà une hausse de 1 à 2¢ par article au profit du commerçant.  Cette hausse minime mais réelle des prix représente donc un profit supplémentaire potentiel de 1 à 4¢ par article du simple fait de l'abolition de la pièce de 1¢, une hausse minime et à peine perceptible je l'accorde mais qui aura un effet cumulatif pour tout le monde du fait du nombre de transactions à travers l'oeuvre du temps.  Et si, par l'effet du hasard, une facture se devait de se terminer par un 1 ou 2¢ (et donc s'arrondit vers le bas, au profit du consommateur), il ne faut pas perdre de vue que cette "perte" aura été largement absorbée par les hausses de 1 ou 2¢ qui visent à favoriser le commerçant à la caisse au moment d'arrondir.  Il ne faut pas perdre de vue également que ces hausses, représentant dans la majorité des cas moins de 1% et même moins de 0,01% d'augmentation, seront effectivement plus imperceptibles que les hausses variant de 3% à 15% dans l'exemple européen cité plus haut.

Maintenant, certains lecteurs pourraient être portés à croire que je fais une tempête dans un verre d'eau, que les sommes impliquées sont négligeables et que le gouvernement à pris une bonne décision dans ce dossier.  À ceux-ci, je dirai ceci :

- L'argument principal du gouvernement Harper pour justifier l'abolition de la "cenne noire" est que la production de cette pièce de monnaie coûte à l'état (donc, aux contribuables) 11 millions de dollars annuellement, soit à un coût de production de 1,6¢ pour chaque sou produit et mis en circulation.  L'abolition de cette pièce de monnaie permet donc l'économie de 11 millions de dollars par année pour le gouvernement.

- La somme de 11 millions de dollars ainsi "économisée" annuellement est un montant négligeable, voire même insignifiant, à l'échelle du budget fédéral, et représente donc une économie de bouts de chandelles dont il devient raisonnable d'en évaluer la pertinence.

- L'argument selon lequel il en coûte 1,6¢ pour produire et mettre en circulation une pièce de 1¢ est fallacieux, car lorsqu'il est associé à l'argument précédent (il en coûte 11 millions annuellement), cela laisse sous-entendre que la durée de vie d'une pièce de 1¢ est de seulement 1 an et qu'il faut renouveler annuellement l'ensemble des pièces de 1¢, ce qui est de toute évidence faux.  Si ce sous-entendu était effectivement vrai, alors il serait alors justifié d'abolir cette pièce de monnaie mal-aimée sur la base d'un argument économique de cette nature.  Mais puisque ce n'est pas le cas, prenons donc note que la durée de vie moyen d'un sou noir varie, en moyenne et selon une estimation toute personnelle et non-scientifique, entre 50 et 100 ans.  C'est donc dire que le coût de production de 1,6¢ par pièce de 1¢ est amorti sur une période qui s'étale sur la durée d'une vie humaine.  L'argument selon lequel cette pièce coûte cher à produire commence donc à prendre du plomb dans l'aile.

- Si on prend comme prémisse de travail que chaque citoyen habitant sur le territoire du Canada effectue en moyenne environ 3 transactions commerciales par jour (acheter du lait, un journal, un café, etc., le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé que 3), et ce à chaque jour sur l'ensemble de l'année, et que sur chacune de ses transactions il perd en moyenne 3¢ par rapport au prix payé pour la même transaction avant l'abolition de la pièce de 1¢ et de l'éventuelle hausse minime visant à manipuler la transition en faveur du commerçant que j'ai évoqué, on en arrive à une perte nette d'un peu plus de 33$ par année pour le consommateur.

- Toujours à partir de ces mêmes prémisses de travail, cette perte annuelle de 33$ par habitant se traduit par une perte nette collective de 1 155 000 000$ pour une population de 35 millions d'habitants.  Vous avez bien lu : un coût collectif potentiel de plus de 1 milliard 155 millions de dollars annuellement pour une supposée économie de 11 millions!  Et ceci au profit distribué de l'ensemble des commerces.  Quand je disais qu'il n'y a pas de petits profits...

- De même, en prenant compte qu'un nombre considérable de ces transactions se font grâce à des cartes de débit ou de crédit, donc "au sou près", ceci incite à une révision à la baisse du dernier estimé, mais on peut tout de même noter l'énorme disproportion entre les soit-disant économies effectuées et le potentiels coûts cachés à une telle politique de retrait du sou noir.

- Mais finalement, l'argument massue pour fracasser ce miroir aux alouettes, c'est de souligner que si le gouvernement Harper tenait absolument à réaliser des économies budgétaires relativement à notre système monétaire, il n'avait qu'à ré-instaurer le pouvoir exclusif de la Banque du Canada qui a été illégalement abdiqué en faveur du système bancaire privé international, et ainsi abolir légitimement la dette publique du Canada, et surtout de suspendre le paiement annuel des intérêts (composés) de cette dette, qui à eux seuls (juste les intérêts de la dette, pas la dette elle-même) se montent à 170 000 000$ par jour pour le seul palier de gouvernement fédéral, ce qui donne la rondelette petite somme de 62 milliards 500 millions et des poussières annuellement; 8 milliards par année pour le gouvernement du Québec.

Comment le gouvernement Harper peut-il considérer 11 millions par année comme une économie significative pour l'état quand les seuls intérêts de la dette publique illégale représentent une saignée de 170 millions par jour en pure perte injustifiée!?

Donc, bien que le vol constitué par le retrait du sou noir ne soit pas le plus gros vol que doit subir le peuple québécois et canadien (voilà bien une bataille que nous partageons), il constitue tout de même un vol qui mérite en tant que tel d'être souligné, particulièrement en considérant l'indifférence totale que ce sujet semble avoir suscité.

De plus, le retrait du sou noir et le coût caché pour tous les consommateurs que ce retrait implique amène un argument supplémentaire à la nécessité pour le peuple canadien d'une part, et pour le peuple québécois d'autre part, de se doter d'institutions bancaires citoyennes émettrices de monnaie souveraine.

J'aimerais terminer cet article sur la monnaie et le système bancaire en joignant deux manchettes tirées d'archives historiques sur lesquels je suis tombé alors que je faisais une recherche pour un projet parallèle, sans relation directe avec le sujet traité plus haut, concernant certaines modifications de notre paysage bancaire et économique au fil des années, et que je vous livre ici pour votre plaisir et votre culture générale.

AR

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(Source : http://www.bilan.usherb.ca/bilan/pages/evenements/384.html)

Création de la Banque canadienne nationale

[ Février 1925]

Le début du siècle est marqué par un important mouvement de concentration des banques. En 1924, la Banque Nationale, dont le siège est à Québec, évite la faillite en se fusionnant avec la Banque d'Hochelaga. Ensemble, ils forment une nouvelle institution qui prend en février 1925 le nom de Banque canadienne nationale (BCN).

Le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau encourage cette manoeuvre en adoptant par loi une émission d'obligations de 15 millions de dollars à la nouvelle institution. Le premier président de la BCN sera Janvier-A. Vaillancourt. Il occupera ce poste jusqu'en 1928.
L'avenue du Mont-Royal en direction ouest, à l'angle de la rue St-Denis: on y aperçoit la succursale Mont-Royal de la Banque canadienne nationale, un bureau de dentiste, un commerce United Cigar Stores, le Parisian Billard Parlor, l'édifice Carter Inx et un panneau-réclame des cigarettes Guinea Gold.Année: 1928. © Ville de Montréal. Gestion des documents et archives.Référence: Ville de Montréal. Gestion des documents et archives. Numéro original de la pièce : Z-8..


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(Source : http://www.bilan.usherb.ca/bilan/pages/evenements/21870.html)

Absorption de la Banque Molson par la Banque de Montréal

[30 octobre 1924]

La Banque de Montréal s'empare par le fait même des 110 succursales de la Banque Molson, majoritairement situées en Ontario. 

Dorénavant, la Banque de Montréal aura un actif de 725 millions de dollars et des dépôts totalisant 500 millions de dollars. Avec la disparition de la Banque Molson, il ne reste plus que 12 banques à charte au Canada. Il y en avait 18 au début de l'année 1922.
La Banque de Montréal située sur la rue Sherbrooke Ouest à Montréal.Année: 1920. © Musée McCord Auteur: Wm. Notman & Son. Référence: VIEW-18741 Site Internet du Musée McCord. Le musée fait une mise à jour régulière de ses données. Pour en savoir plus sur le document, visitez le site du Musée McCord..
 

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